Le cycle pilaire – La mue - La mue et ses particularités Jean-Jacques MÉNIGOZ
Le cycle pilaire – La mue Jean-Jacques MÉNIGOZ (octobre 2010)
Le cycle pilaire.
Tous les poils naissent, vivent et meurent et tout recommence, c’est le cycle pilaire. Chaque cycle de vie d’un poil est composé de quatre phases successives :
• La phase anagène ou phase de croissance.
Le poil est en pleine vie, la croissance de sa kératine est constante et régulière et sa racine remplit le follicule pileux, jusqu’à la base.
La durée de cette phase détermine la longueur du pelage. En moyenne 30 jours pour une fourrure normale, 97 – 100 jours pour un Angora.
Toutes les catégories de poils d'un pelage déterminé ont une durée de croissance semblable. Les variations dimensionnelles de chacune d'entre elles proviennent de vitesses de croissance différentes.
• La phase catagène ou d’involution.
Le poil a atteint sa croissance maximum. Sa racine remonte vers l’épiderme, perd un peu de volume et son activité s’interrompt brusquement.
Le poil ne va pas encore quitter les lieux, il doit attendre la relève.
C’est la période pendant laquelle la fourrure se présente dans sa meilleure forme. La durée de cette phase est cependant assez courte (2 à 3 semaines).
• La phase télogène ou phase d’expulsion.
Le poil est mort et prêt à tomber mais il reste encore, le temps que la racine de son remplaçant soit suffisamment forte pour le déloger.
Cette période est assez longue, 3 à 4 mois normalement.
• La phase exogène, la chute.
La jeune repousse arrive à la surface de la peau et l’ancien poil tombe de lui-même.
Cette période correspond à la mue.
Globalement le cycle pilaire du lapin s’écoule sur une durée moyenne de six mois.
La durée des différentes phases est déterminée génétiquement. Il apparaît cependant important que l’éleveur par sa sélection écarte les sujets qui ont des mues beaucoup trop longues, ou qui prennent du retard au démarrage de la mue.
Notons que le cycle pilaire peut cependant être perturbé par des éléments liés à la race de l’animal, son sexe, son âge, son environnement, son alimentation, sa tranquillité (stress), son stade physiologique et son état de santé.
Influence du froid du chaud et de la lumière.
Nous mettons ici en avant la sensibilité du pelage à son environnement et notamment la température et la lumière du jour.
Confronté à des températures assez froides, le lapin va réagir en augmentant la densité de son pelage. C’est le résultat de la mise en activité d’un nombre de follicules pileux suffisant pour rétablir l’isolation thermique. Ces follicules pileux sont appelés «follicules pileux secondaires dérivés». On estime qu’il existe une différence de l’ordre de 25 à 35% de follicules pileux supplémentaires en activité pendant la période automne – hiver.
A l’inverse le nombre de follicules pileux est diminué en période chaude.
Pour forcer le trait, nous comprenons bien qu’en ce qui concerne la qualité du pelage et pour une même race, les lapins élevés dans une région chaude et au niveau de la mer ne posséderont jamais la fourrure des lapins élevés dans une région froide et en altitude.
Les mues dites « saisonnières » sont déclenchées par la durée de la lumière du jour (phénomène lié au photopériodisme). Le passage des jours courts aux jours longs déclenche la mue de printemps et le passage des jours longs aux jours courts induit la mue d’automne. Ce sont les points de départ d’un cycle pilaire.
La mue d’automne est moins importante que celle du printemps car le sous-poil est globalement conservé et le nombre de follicules pileux en activité est plus réduit.
Les jeunes animaux sont beaucoup moins sensibles au changement de saison.
Influence des conditions générales d’élevage.
Nous évoquerons dans ce passage des conditions d’élevage qui participent plus ou moins directement à la bonne qualité du pelage.
La tranquillité ; l’objectif est d’assurer aux lapins un minimum de stress. Les perturbations physiologiques et métaboliques provoquées dans l’organisme par des stress très importants et variés peuvent avoir des incidences sur la qualité de la kératine (diamètre, résistance, couleur et durée de vie).
Son environnement proche ; La cage de dimensions suffisantes permet des déplacements aisés. L’exercice physique est gage de vitalité. La litière est régulièrement changée avec de la paille saine, évitant ainsi les fourrures souillées. L’aération du clapier est adaptée au nombre de sujets. Dans le cadre d’un bâtiment, Il faut absolument éviter la surpopulation source d’émanations agressives. Séparer vos lapins le plus tôt possible pour lui apporter du calme et également le mettre à l’abri d’agressions de ses congénères (blessures diverses).
Les soins ; Nous mettons l’accent sur le brossage du pelage. Cette action a un double objectif :
→ Faciliter et accélérer l’élimination des poils morts.
→ Masser et aérer la peau et stimuler ainsi la pousse des nouveaux poils.
Le brossage s’effectue d’abord à rebrousse poil pour bien éliminer les poils morts et on termine dans le sens du poil.
Réaliser cette opération sur le dessus et les côtés du tronc. Le brossage doit être répéter sur plusieurs jours.
Influence de l’alimentation.
L’état du pelage reflète l’équilibre nutritionnel de l’animal. Pour un pelage dit «normal», 20 à 30% des apports protéiques journaliers sont utilisés pour répondre aux besoins de la peau et du pelage.
La tige pilaire est constituée d’eau (2 à 13%), de lipides (2 à 3%), de cendres (0.2 à 0.8%), et de protéines (85 à 93%) à teneur élevée en soufre, la kératine, protéine fibreuse très résistante, faite de longues chaînes d’acides aminés. Ces chaînes de protéines sont scellées les unes aux par des molécules de soufre. Dans la constitution de la kératine, les acides aminés soufrés sont au nombre de trois : cystine, méthionine et cystéine. Transportés par le sang jusqu’à la racine du poil, ils ont besoin d’un apport de zinc et de vitamine B6 pour être synthétisés.
Pendant les périodes de mue il faut mettre à disposition une alimentation adaptée et assurant le bon déroulement de la mue et de la croissance des nouveaux poils.
L’alimentation doit apporter les composants indispensables au développement du poil : protéines, soufre, zinc, fer, acides gras, vitamines A (rétinol), E (tocophérol) et celles du groupe B.
Les vitamines du groupe B sont les vitamines du poil. Elles stimulent le renouvellement des cellules en général et plus particulièrement celles du follicule pileux. Notons que :
La vitamine B3 ou PP (Nicotinamide), augmente la circulation du sang dans les racines.
La vitamine B5 (Acide Pantothénique), favorise la croissance du poil.
La vitamine B6 (Pyridoxine), indispensable pour synthétiser les acides aminés soufrés.
La vitamine B8 ou H (Biotine), contrôle la sécrétion de sébum.
Lors des périodes de mue il est évident qu’une alimentation riche en protéines et en acides aminés soufrés est nécessaire. Un taux faible en protéines peut se répercuter sur la croissance du poil qui sera terne et moins dense.
Dans le cadre d’une alimentation traditionnelle on trouve les protéines dans :
Les fourrages verts, trèfle, sainfoin, luzerne.
Le foin de bonne qualité
L’avoine.
Les tourteaux d’arachide, lin, sésame, tournesol, soja et coco.
Les farines, notamment fève, pois et lupin.
Les sons.
Pour les aliments de type granulés à fournir pendant les périodes de mue, il faut être vigilant sur le taux de protéines et notamment sur leur qualité. Vérifier la présence de cystine, méthionine et surtout cystéine.
Veillez à la qualité et la quantité des minéraux dans la ration, notamment le soufre indispensable à la croissance du poil. La carence en soufre entraine une croissance lente du pelage avec des poils fragiles et terne.
Le soufre est présent dans les acides aminés sulfurés (cystéine, cystine et méthionine), la luzerne, les choux, la bette, le cresson, le persil, le radis noir, le poireau, les asperges, la ciboulette et les germes de blé.
Le fer est l’un des constituants des corpuscules rouges du sang. Il est très bénéfique pour la croissance et il est essentiel au transport de l’oxygène dans le sang. Il est disponible dans les orties (vert ou foin), le persil, les fèves, le pissenlit, les graines de tournesol et de sésame, les épinards.
Le zinc assure le bon fonctionnement des cellules de l’épiderme. Il favorise la synthèse d’acides aminés tels que la cystine et la méthionine. On le trouve dans les légumes secs, le soja, les céréales et les germes de blé.
Sont également riches en sels minéraux les foins de trèfle et de luzerne.
Les vitamines :
La vitamine B3 ou PP : levure de bière, son, persil, céréales, soja, riz, asperges.
La vitamine B5 : céréales, son, soja.
La vitamine B6 (Pyridoxine) : son, betteraves, épinards, carottes, pommes de terre (cuites), céréales, choux, levure de bière, germes de blé et de mais, bananes.
La vitamine B8 ou H : choux, épinards, levure de bière.
La vitamine A : huile de foie de morue. Le bêta carotène contenu en abondance dans la carotte se transforme en vitamine A dans l’organisme. Le bêta carotène est également présent dans le potiron, le brocoli, les épinards, le jeune foin, les fourrages très verts et jeunes ainsi que la luzerne et les grains de maïs.
La vitamine E : fourrages verts, laitue, carottes, choux, persil, asperges, céleri, épinards, germes de céréales (blé – maïs – avoine – orge), riz, graines de tournesol, pépins de raisin, pommes.
A savoir, la levure de bière est le meilleur supplément alimentaire pour le poil. On y trouve les substances nécessaires au bon état du pelage
Les acides gras participent au bon fonctionnement des cellules. Avec les vitamines B6 et E, ils sont essentiels à la kératinisation de l’épiderme. Ils favorisent l’élasticité de la peau, le brillant et la souplesse du poil.
Les graines de lin et de chanvre fournissent un bon apport en acides gras. A utiliser cependant avec prudence, notamment pour le lin (risque de diarrhée).
Conclusion.
L’idée n’est pas de forcer la nature mais plutôt d’aider le lapin à assurer au mieux le bon déroulement de la période de mue. N’oublions pas qu’au final, c’est la bonne santé du lapin qui déterminera la qualité de sa fourrure.
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Nous avons récemment rédigé un article sur le phénomène de mue chez le lapin. Dans nos propos nous sommes restés assez généraliste, ceci dans le but de faciliter l’approche des périodes naturelles de mue.
Nous allons aborder maintenant certaines particularités et essayer de les comprendre. L’intérêt de cet article nous est venu après avoir échangé, suite à l’article sur la mue, avec notre collègue juge et ami Suisse, Michel GRUAZ. Nous avons partagé nos expériences sur des « anomalies » rencontrées pendant l’exercice de nos activités d’évaluation des lapins.
Débutons par un constat régulièrement relevé. Hors période de mue, disons classique, les lapins perdent toujours, quelques poils. Ceci reste cependant très limité et ne remet pas en cause la tenue de la fourrure. Nous sommes là dans la normalité, peut être accentué par l’instabilité des températures et l’amplitude plus ou moins conséquente de leur variation.
Nous rappelons cependant que des stress importants peuvent engendrer des aléas sur la qualité de la kératine, un des constituants indispensables du poil. Le diamètre, la résistance, la couleur et la durée de vie en dépendent. Pensons également à fournir à nos sujets un habitat de bonnes dimensions, nécessaire à leur mobilité, avec des litières saines et changées régulièrement. Le clapier dans son ensemble, c’est-à-dire nombre de box et population totale doit être adapté aux possibilités d’aération du local. L’ammoniac ne doit pas exercer son agressivité. Séparez suffisamment tôt les jeunes, vous garantirez le calme et éviterez les agressions, risques de blessures. Le brossage permet d’éliminer les poils morts et par le massage ainsi réalisé, il est effectué une stimulation de la circulation sanguine et une aération du pelage. Si cette opération n’est pas mise en œuvre ou insuffisamment répétée, des poils morts resteront présents dans la fourrure pendant assez longtemps.
Nous continuons en mettant en avant les difficultés à obtenir une très bonne tenue du pelage chez certaines races. Cette observation est faite auprès des races possédant un sous-poil particulièrement développé, dense et épais. Ces races possèdent une fourrure très instable. Pratiquement à chaque léger réchauffement, ces races déclenchent une adaptation (perte de poil plus ou moins conséquente) de leur pelage et notamment du sous-poil. La physiologie du lapin tente alors de se caler au mieux aux conditions d’ambiance.
Un exemple très marquant concerne la race Néo-Zélandais, type chair par excellence. La sélection, et c’était l’un des objectifs, a permis d’obtenir des dessous de pattes possédant une très forte densité et épaisseur de poils. Cette caractéristique a bien entendu concerné l’ensemble du pelage et surtout le sous-poil. Résultat, lors des expositions, il est très difficile d’observer une fourrure sans aucun signe de mue.
Néo-Zélandais – Propriétaire J-M BERGAMELLI - Photographies J-J MÉNIGOZ
Pour terminer, d’une manière générale, il est relevé que les fourrures bien structurées, possédant un bon équilibre entre les différents types de poil, et tout en gardant un pelage dense et aéré, sont beaucoup plus stables. C’est le cas notamment chez les petites races.
Bibliographie :
LES LAPINS DE RACE, Spécificités zoologiques – Standards officiels. Éditeur Fédération Française de Cuniculiculture – 2000
LE LAPIN ANGORA, sa toison son élevage – Jean ROUGEOT et René Gérard THEBAULT Éditions du Point Vétérinaire – 1984
LE LAPIN ANGORA : Production et amélioration génétique – René Gérard THEBAULT et Hubert DE ROCHAMBEAU
Productions Animales, volume 2, numéro 4 - octobre 1989 - Éditeur INRA